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Karoline Jeuffroy : itinéraire d’une surréaliste du verre

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Karoline Jeuffroy dans l’atelier à chaud du Cerfav, 2022 – photo : Julia Schaff

Karoline Jeuffroy, artiste plasticienne, s’est formée au Cerfav durant 3 ans pour apprendre à utiliser le verre dans ses créations. Anne Pluymaekers, responsable du pôle Culture du Cerfav, est allée à sa rencontre suite à l’obtention de ses diplômes « Créateur verrier » en 2023 et « Concepteur créateur » en 2024, pour prendre connaissance de son parcours post-formation et de ses projets à venir.

Anne Pluymaekers : Karoline, observant ton travail depuis trois ans, lorsque j’ai imaginé cet interview, c’est le mot surréaliste qui m’est venu à l’esprit ? Sachant qu’une œuvre surréaliste se compose généralement d’éléments inattendus qui n’ont pas forcément de lien les uns avec les autres. De plus, les thèmes, que l’on retrouve, sont souvent le rêve, l’imagination, les phénomènes extraordinaires… Qu’en penses-tu ? Est-ce que cela te correspond ?

Karoline Jeuffroy : Oui, cela me va très bien. Mes œuvres sont un peu loufoques, elles sont dans l’illusion.

AP : Diplômée Créateur verrier en 2023 puis Concepteur créateur en 2024, cela fait bientôt une année que tu as quitté le Cerfav, que s’est-il passé depuis ?

KJ : Beaucoup de choses. J’ai été recrutée en tant que professeure de volume aux Beaux-Arts de Saint-Etienne pour les élèves en seconde année. Grâce à ma participation à St-’Art, foire d’art contemporain à Strasbourg, la galerie Villa Domus d’Honfleur m’a repérée et a présenté mon travail à la Foire Lille Art’Up. J’ai vendu l’installation de trois ballons « À un fil » que j’ai réalisés lors de ma formation en Concepteur créateur au Cerfav. Une de mes sculptures est maintenant dans les collections du musée Lette en Allemagne. J’ai participé à plusieurs concours et expositions dont Ouvrez l’œil à Annecy.

AP : Pourrais-tu nous retracer rapidement ton parcours avant tes formations au Cerfav ?

KJ : D’abord, trois années au Beaux-Arts du Havre, puis j’ai terminé mon cursus aux Beaux-Arts de Paris. C’est alors que la galerie Géraldine Banier m’a repérée et exposée au Paris Art Fair. J’ai postulé sur différentes plateformes comme le Cnap, le Cipac pour exposer dans des lieux, des festivals à l’international : Londres, Trévise, …

Ensuite, j’ai fait une pause en me disant : “L’art c’est difficile !”. Je me suis demandé si j’étais vraiment faite pour cela. J’en suis arrivée à la conclusion que je n’étais pas vraiment faite pour autre chose et que le verre manquait à ma pratique. C’est ainsi que j’ai atterri au Cerfav.

AP : Quels sont tes matières et sujets qui te passionnent ?

KJ : J’ai toujours eu une prédilection pour la sculpture, le moulage, le volume. J’aime mettre en 3D ce qui est en 2D. Rendre les choses réelles, palpables, en les faisant rentrer dans le quotidien. Mes matières d’alors étaient le métal, les matériaux de récupération dont les parpaings, et c’est cela qui revient en association avec le verre. La roche, le caillou, sont des révélations. Je n’avais pas eu l’occasion de les travailler précédemment.

J’aime assembler des choses improbables, un œuf avec une grappe de raisin. L’œuf est très récurrent. En première année Créateur verrier, j’ai fait Leitmoetiv.

Leitmoetiv, Verre soufflé, pâte de verre, acier, dimensions variables, 2022.

Mon projet de diplôme, « L’autre moitié », c’est finalement une coquille de roche avec un noyau visqueux et baveux de verre au centre. Bref, un œuf encore.

AP : En 2024, tu as bénéficié du dispositif post-formation du Cerfav. Tu as ainsi pu présenter ton travail sur le stand du Cerfav à plusieurs salons dont Résonances et St-’Art, tous deux à Strasbourg. Comment se sont-ils déroulés pour toi ? Quelle expérience retiens-tu ? Quelles en ont été les retombées ?

KJ : J’ai adoré Résonances pour l’esprit d’équipe avec une super promo de Concepteur créateur. Toutefois, St-art était plus parlant pour moi car c’est un public plus tourné vers l’art contemporain qu’à Résonances, qui est plus orienté artisanat. Mais des gens avaient repéré mes ballons à Résonances et ont ensuite acheté à St-art. Les luminaires aussi. Toutefois, les appliques murales sont plus complexes à mettre en place et je n’ai pas encore touché la clientèle large que j’avais imaginée ; l’objectif premier étant d’illustrer « la lumière à tous les étages ». Plusieurs personnes se sont montrées intéressées par mes vases.

AP : Le Cerfav a proposé L’Autre moitié, une sculpture dérivée de ta pièce de diplôme, au 12e concours et à l’exposition de la jeune création des écoles du verre européennes de Rheinbach en Allemagne. C’était du 27 juin au 29 septembre 2024. Tu as remporté le Prix du public et le 3e Prix du jury. Pourrais-tu décrire cette œuvre, son concept ?

KJ : Son titre est L’Autre moitié (Dérive bleue #1). Elle évoque une séparation, une fracture suspendue dans l’instant. Cette pièce interroge l’équilibre entre rupture et reconstitution : est-ce un éclatement définitif ou une tentative de recoller ce qui a été brisé ?

Sa fabrication repose sur un geste précis et éphémère : le verre est coulé en fusion entre les blocs de roche, venant combler l’espace qui les sépare comme une suture fragile. Puis, dans un temps très court où la matière est encore malléable, je le tire, l’étire, l’amenant à former des ponts de matière entre les deux fragments. Ce moment est crucial : j’attends quelques instants que le verre trouve sa forme définitive, juste avant qu’il ne se fige, suspendu entre fluidité et solidité.

La teinte bleue renforce l’évocation de la fonte des glaciers, rappelant l’eau qui se fraie un chemin entre les roches avant de s’immobiliser dans le froid. Cet effet de ruissellement figé renforce l’ambiguïté de la pièce : est-elle en train de se briser ou d’être consolidée ?

L’Autre moitié (Dérive bleue #1), 2024, roche volcanique, verre coulé, 23 x 19 x 15 cm

AP : Quelles ont été les retombées de cette visibilité à Rheinbach ?

KJ : Cela m’a fait extrêmement plaisir d’être récompensée par ces deux prix, tant par la reconnaissance du jury international et du grand public qui ont voté pour elle, que par la gratification financière qui y était associée. De plus, L ’Autre moitié (Dérive bleue #1) a été le coup de cœur du Dr. Ulrike Hoppe-Oehl, qui l’a acquise. Elle fait maintenant partie des collections du Glasmuseum Lette, qui est peut-être le lieu le plus important pour l’art verrier contemporain en Allemagne. C’est plutôt pas mal. J’ai hâte de la voir exposée.

Dernièrement, j’ai donné une interview à Sabrina Silamo, rédactrice en chef de la revue de la céramique et du verre. Elle va publier prochainement un article dans la revue de la céramique et du verre au sujet de cette pièce. Elle était invitée à faire partie du jury de fin de formation Créateur verrier et m’avait suivie sur les réseaux depuis lors.

AP : Tu collabores maintenant avec des galeries d’art. Pourrais-tu nous en dire davantage ? Comment as-tu lié ces partenariats ? As-tu des conseils à donner à ceux et celles qui souhaiteraient vendre par l’intermédiaire de galeries ?

KJ : Ce n’est pas moi qui les démarche, ce sont plutôt les galeries qui repèrent mon travail et me contactent. Bref, il faut se faire remarquer via les réseaux sociaux, communiquer autour des projets. Aussi, répondre largement à des appels à projets et des concours est important. Je vise davantage la participation à des événements gratuits.

Je peux surtout conseiller de bien lire le contrat et de fixer clairement les prix dès le départ. Il faut veiller à avoir des documents justifiant les dépôts, les obtenir directement lors de la dépose : veiller aux responsabilités, à la couverture d’assurance des objets. L’avantage est que l’on évite de se déplacer, de ne pas faire la démarche de vente et de se concentrer davantage sur la production des pièces. Il faut veiller à la façon malgré tout dont les galeries exposent les pièces, cela peut desservir le propos et faire échouer les ventes éventuelles.

AP : Si c’était à refaire, que ferais-tu autrement ?

KJ : Ne pas me casser le coude !😉 Continuer de suivre mon instinct ! A refaire aussi, j’aurais fait plus de production pour avoir plus de stock pour les salons et expos car avec ma chute, je ne peux plus souffler actuellement.

AP : Quels sont tes prochains projets, expos et challenges ?

Déjà, répondre aux demandes et commandes. Dans les futurs projets, je vais dériver mes sculptures en verre associées à la roche volcanique ainsi que poursuivre le verre coulé et étiré qui plaît (et me plaît). Il a de nombreuses potentialités formelles. Continuer à postuler à des expos et des concours. Je rêve d’avoir mon propre atelier. Je souhaiterais voir réaliser mes dessins. Pour ce faire, je suis contente de m’être créé un réseau avec les anciens du Cerfav. Je vais faire éditer des pièces par l’atelier Incalmo de Vincent Breed et adhérer à Hotshop qui n’est qu’à 40 minutes de Saint-Etienne. Pourquoi pas une résidence d’artiste ?

Aussi, je suis en échange avec l’entreprise Andesite à Maseye en Auvergne. Elle travaille la roche, souvent en collaboration avec des artistes et des designers. Cela me permettrait de développer des pièces avec des sphères polies.

Bref, affaires à suivre !


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